Un enregistrement vidéo clandestin indispensable à l’exercice du droit de la preuve peut constituer une preuve licite.

Dans un arrêt du 14 février 2024, n°22-23073, de nouveau, la Chambre sociale de la Cour de cassation a tranché la question de la recevabilité d’une preuve obtenue de manière clandestine, au moyen cette fois-ci, d’un enregistrement d’images par vidéosurveillance clandestine.

Dans cette affaire, la caissière d’une pharmacie avait été licenciée pour faute grave à la suite de la révélation, par des images issues de la vidéoprotection clandestine, de faits de vol.

Selon la Cour de cassation cette preuve clandestine était recevable dès lors que l’employeur pouvait justifier des raisons concrètes du recours à la surveillance et de l’ampleur de celle-ci et que l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié.

En l’espèce, après avoir constaté des anomalies dans les stocks, la société avait envisagé l’hypothèse de vol par des clients et avait ainsi visionné des enregistrements issus d’une vidéoprotection ce qui lui avait permis d’écarter cette piste. Des inventaires confirmant des écarts injustifiés, la responsable de la société avait décidé de suivre les produits, lors de leur passage en caisse et, de croiser les séquences vidéo sur lesquelles apparaissaient les ventes de la journée avec les relevés des journées informatiques de vente. Ce contrôle avait été réalisé du 10 juin au 27 juin et un recoupement des opérations enregistrées à la caisse de la salariée (vidéo/ journal informatique) avait ainsi révélé au total 19 anomalies graves en moins de deux semaines.

La Cour de cassation a ainsi pu confirmer que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps dans un contexte de disparition de stocks après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par la seule dirigeantes de l’entreprise.

La Cour de cassation approuve donc la Cour d’appel qui avait ainsi mis en balance de manière circonstancielle le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise en tenant compte du but légitime qui était poursuivi par l’entreprise à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens.

Les juges ont pu valablement décider que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit de la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.

 

Un enregistrement audio clandestin indispensable à l’exercice du droit de la preuve peut constituer une preuve licite.

Dans un arrêt du 22 décembre 2023, n°20-20648, publié au Bulletin, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a accepté de tenir compte d’un enregistrement audio clandestin dès lors qu’il est indispensable à l’exercice du droit de la preuve.

Par cet arrêt, la Cour de cassation, a opéré un revirement de jurisprudence.

Aux termes de cet arrêt, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a ainsi jugé qu’« …il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »

En cas d’enregistrements audio obtenus sans accord des protagonistes, le juge doit donc vérifier si le requérant peut produire d’autres preuves de ses affirmations que l’enregistrement audio obtenu clandestinement. Si d’autres preuves peuvent être produites, le juge doit écarter les enregistrements clandestins, car ils ne sont pas indispensables à l’exercice du droit de la preuve.

Dans un autre arrêt du 17 janvier 2024, n° 11-17474, la Cour de cassation a appliqué ce principe, en écartant, cette fois-ci l’enregistrement clandestin litigieux, après avoir constaté que le salarié produisait d’autres éléments de preuve, à l’appui de ses affirmations.

 

 

La nouvelle procédure de présomption de démission

Nouvelle procédure de présomption de démission

Le décret n°2023-275 du 17 avril 2023 publié au JO du 18 avril, permet de mettre en œuvre la nouvelle procédure de présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié.

Pour rappel, la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a codifié un nouvel article L 137-1-1 du code du travail qui prévoit que le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Le texte prévoit que le délai ainsi prévu ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’Etat qui détermine, également, les modalités d’application du présent article.

Le décret du 17 avril 2023, pris en application de cette disposition, codifie un nouvel article R 1237-13 du code du travail qui précise que l’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission prévue à l’article L. 1237-1-1 le met en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main-propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste.

Le nouvel article ajoute que : « Dans le cas où le salarié entend se prévaloir auprès de l’employeur d’un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission, tel que, notamment, des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait prévu à l’article L. 4131-1, l’exercice du droit de grève prévu à l’article L. 2511-1, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, le salarié indique le motif qu’il invoque dans la réponse à la mise en demeure précitée. »

Le nouvel article R 1237-13 du code du travail précise enfin que le délai mentionné au premier alinéa de l’article L. 1237-1-1 ne peut être inférieur à quinze jours et que ce délai commence à courir à compter de la date de présentation de la mise en demeure prévue au premier alinéa.

Pour rappel, selon l’article L 1237-1-1 du code du travail, le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

 

Le régime probatoire des heures supplémentaires

Avocat droit travail heures supplémentaire

Dans un arrêt du 29 mars 2023, n°21-18052, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler le régime probatoire des heures supplémentaires.

Dans cette affaire, une salariée réclamait le paiement d’heures supplémentaires en s’appuyant sur trois décomptes qui indiquaient uniquement le nombre d’heures effectuées chaque jour et ne comportaient pas d’indication quant aux horaires d’embauche et de débauche de la salariée ni à ses temps de pause.

La Cour d’appel avait considéré que ces décomptes étaient insuffisants à étayer la demande en rappel de salaire au motif que ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement. La Cour ajoutait qu’une mesure d’expertise ne peut être ordonnée pour suppléer la carence de la salariée.

La Cour de cassation casse cet arrêt et juge que la Cour d’appel a ainsi fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, et a violé l’article L 3171-4 du code du travail.

La Cour de cassation explique qu’aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

La Cour de cassation ajoute que selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

La Cour de cassation en conclut qu’il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Ainsi, un décompte d’heures supplémentaires produit par un salarié faisant apparaître le nombre d’heures réalisées chaque jour suffit pour que l’employeur ait à justifier, en défense et s’il veut s’opposer à la demande, du décompte précis des horaires de travail accomplis par le salarié.

Rupture conventionnelle : une nouvelle contribution à la charge de l’employeur

Avocat Rupture conventionnelle contribution employeur

La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, publiée au JO du 15 avril 2023 prévoit une nouvelle contribution, à la charge de l’employeur, assise sur les indemnités de rupture conventionnelle.

En effet, l’article 4 de la loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, codifie un nouvel article L 137-12 du code de la sécurité sociale.

Ce nouvel article prévoit qu’est instituée, à la charge de l’employeur et au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, une contribution assise sur les indemnités versées à l’occasion de la mise à la retraite d’un salarié à l’initiative de l’employeur et de la rupture conventionnelle mentionnée aux articles L. 1237-11 à L. 1237-15 du code du travail, pour leur part exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale en application du 7° du II de l’article L. 242-1 du présent code.

L’article 4 de la loi du 14 avril 2023 prévoit que le présent article est applicable aux indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er septembre 2023.